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La Gazette du Centenaire   

       Livraison de mai 2023

L’éducation d’un bon chien de berger

 

Attention : les informations données par les auteurs des textes présentés ci-dessous, correspondent à des pratiques du 18e siècle et des siècles antérieurs. Elles présentent des situations et des actes que nous rapprocherions maintenant à de la maltraitance animale. De nos jours, l’éducation des chiens ne répond plus à ces dogmes, fort heureusement.

Gaston III (comte de Foix ; 1331-1391).  – Gaston Phebus, Le Livre de chasse... 1401-1500

Les différents types de chiens évoluant à la cour de Gaston III, comte de Foix

Source Gallica-BNF

Jean de Brie (1336-13..?). - Le vray regime & gouvernement des bergers & bergeres : composé par le rustique Jehan de Brie le bon berger...  – A Paris, … 1542.Jean de Brie (1336-13..?). - Le vray regime & gouvernement des bergers & bergeres : composé par le rustique Jehan de Brie le bon berger...  – A Paris, … 1542.

Jean de Brie (1336-13..?). Auteur du texte ; Lacroix, Paul (1806-1884). Éditeur scientifique. - Le bon berger, ou Le vray régime et gouvernement des bergers et bergères / composé par le rustique Jehan de Brie, le bon berger ; réimprimé sur l'édition de Paris (1541), avec une notice par Paul Lacroix,... - Paris :  I. Liseux, 1879

[…] Et, par dessus toutes ces choses devant dictes, le berger doit porter et ceindre sa panetière pour mettre le pain pour luy et son chien. La panetière doit estre de cordelle trelliée et nouée au droit neu, en manière de la harace au potier de terre. Et celle panetière .doit estre attachée au senestre costé du berger, car il ne doit point empescher son dextre costé, affin que plus prestement il puisse tondre, recoper, oindre, seigner ou besongner sur les brebis, se mestier est. A la panetière doit estre attachée une cordelle de une toyse et demye de long, que Ton appelle la laisse du chien, et doit estre redoublée jusques au point de la panetière, et au meilleu doit avoir un cuyret avec un petit bignet de bois pour attacher le chien et pour le destacher et envoyer tost et délivrement contre les loups ou aultres maies bestes qui vouldroient meffaire aux brebis.

Le chien du berger doit estre ung grand mastin fort et quarré, à grosse teste, et doit avoir entour du col ung collier, armé de crampons de fer aguz, ou de clous longs et aguz, boutez parmy le fort collier de cuyr à plates testes, et aulcuns en y a qui ont colliers de plataines de fer fermans à charniers pour résister, aux loups sur les champs, ou aux larrons, se aulcuns en venoient par nuict aux herbergeries, là où les brebis sont emparchées. Et aussi, pour l’armeure du collier, le mastin est plus hardy et plus animé, et ne serait pas si tost estranglé des loups, car il en a plus grand deffense contre eulx. Ce mastin suyt le berger et luy tient bonne compaignie quant il menge son pain, quoy qu'il soit de la deffense : car tel est amy à la despense qui ne Test pas à la deffense. Quand le berger a un bon mastin loyal et hardy, il est très-prouffitable à la garde des brebis. […]

CHAPITRE XLVII

DU CHIEN DU BERGER

 

Du chien du berger convient à l'introduction le duire de aler arrester les brebis, et que le berger entame l'oreille d'une brebis, en face saillir le sang, et le face sentir à son chien par deux fois ou trois : et jamais ne prendra la brebis que par l'oreille. Et affin que le chien suyve voluntiers le berger, il luy doit oingdre et froter les joues de la croûte de lart, et les deux piedz de devant : et le mener souvent : jusques à ce qu'il soit bien duyt. Et quand le chien se couche aux champs, le berger luy doit croiser les piedz. Et se il ne se duyt quand il luy aura fait par deux ou trois fois, si luy donne congé : car il n'est pas digne d'estre avec les bergers et brebis.

Et priez Dieu pour le bon berger Jehan de Brie.

Source Gallica-BNF

Rozier, François (1734-1793). - Cours complet d'agriculture théorique, pratique, économique et de médecine rurale et vétérinaire, suivi d'une méthode pour étudier l'agriculture par principes, ou dictionnaire universel d'agriculture. Tome troisième. CH-DI. Paris, 1785

SOURCE : Bibliothèque de la Société nationale d'horticulture de France. Fonds ancien, A1319 (3)

Hortalia, consulté le 1 mai 2023, https://bibliotheque-numerique.hortalia.org/items/show/2671.

Tome III. Planche IX. P. 293

CHIEN, économie rurale.

p. 287 […] Le chien de berger ainsi nommé parce qu’il sert à la garde des troupeaux, est, de toutes les espèces de chiens, le plus commode à l’homme ; il évite les soins continus & fatigans de la vigilance, les cris, les allées, les venues que seroit obligé de faire un berger en conduisant les troupeaux. Instruit par ses leçons, & docile à sa voix, c’est un nouveau maître qui, fier de la portion d’empire qu’on luis donne, mérite de plus en plus la confiance par les soins toujours renaissans. Il rassemble le troupeau, le ramène près de son conducteur, défend les blés, les vignes, que les moutons auroient bientôt dévastés, s’il leur étoit permis de vaguer ça & là. Dans les pays de plaines, & découverts, où l’on n’a rien à craindre des loups, le chien de berger, plus connu sous le nom de chien de Brie, est plutôt le conducteur que le défenseur du troupeau, aussi cette race est-elle plus petite que celle des mâtins. Ces chiens ont les oreilles courtes & droites, & la queue dirigée horizontalement droite en arrière, ou recourbée en haut, & quelquefois pendantes, le poil long sur tout le corps, le noir est la couleur dominante. En général, ce n’est pas par la bonté que cette espèce de chien est recommandable ; mais ce léger défaut est bien racheté par ses talens & son industrie. Dans les pays de bois, & de montagnes, où les loups sont communs, & font des ravages, on ne doit pas confier le soin du troupeau à un simple guide ; il faut lui donner des défenseurs. Choisissez donc à la place du chien de Brie, ou plutôt, unissez-lui un chien de forte race, vif, hardi, & capable d’attaquer et de terrasser le loup. Vous trouverez ces précieuses qualités dans les mâtins de grosse taille, dont le poil est fourni & épais, les yeux et les narines noirs, les lèvres d’un rouge obscur ; la tête forte, les oreilles pendantes, les dents aigües, le front & le col gros ; les jambes grandes, les doigts écartés, les ongles durs & cours ; en un mot, tout le corps bien formé. Rarement ces chiens qui réunissent toutes ces qualités, sont-ils paresseux & lâches, sur-tout  si vous les empêcher de chasser, que vous les nourrissiez  toujours avec le troupeau aux champs, & à la maison. Du gros pain doit être leur nourriture. Il faut de bonne heure les former au combat, les exciter quelquefois à se battre ; mais sans permettre que le plus foible soit tout-à-fait vaincu, de peur qu’il ne se rebute, & se décourage. Que son col soit toujours armé d’un collier de cuir garni de pointes de clous. Sur-tout si vous prenez un loup, que ce soient vos chiens de troupeau qui les étranglent & les déchirent ; caressez-les ensuite, encouragez-les, c’est un moyen sûr pour qu’ils ne le craignent pas dans les champs, qu’ils le poursuivent et l’attaquent jusque dans sa retraite. […]

p. 290 [ …] Les troisièmes ou les derniers, sont les chiens de berger. Ils doivent être hardis, vifs, vigoureux, déliés, de belle taille, armés d’un collier & attachés aux bestiaux. […]

Daubenton, Louis-Jean-Marie (1716-1800). - Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux ; Avec d'autres ouvrages sur les moutons et sur les laines, par M. Daubenton. Troisième édition, publiée par ordre du Gouvernement ; avec des notes. - A Paris, de l'Imprimerie de la République. An X. [1801]

La première édition de cet ouvrage est datée de 1782. Le texte se présente comme un jeu de questions réponses entre Daubenton « D. » et une tierce personne « R. » qui sert au lecteur sa connaissance du métier de berger, de la gestion des troupeaux, des chiens, de la médecine vétérinaire, & …

Page de titre

IIe LEÇON.

Sur les Chiens des Bergers et sur les Loups.

D. Est-il nécessaire que les Bergers aient des chiens pour la conduite de leurs troupeaux ?

R. Il serait à souhaiter que les Bergers pussent se passer de chiens, parce que ces animaux font souvent beaucoup de mal aux troupeaux ; mais ils sont nécessaires dans les cantons où l'on rencontre souvent, des terres emblavées et exposées au dégât. Quand des moutons s'écartent du troupeau, le Berger ne peut retenir que ceux qui sont près de lui, et à la distance où il peut jeter avec sa houlette de la terre contre eux. Les chiens aident le Berger pour la conduite du troupeau, et défendent les moutons contre les loups, s'ils sont assez forts.

D. Quels sont les cantons où le Berger peut conduire son troupeau sans le secours des chiens ?

R. Dans les pays où les terres sont divisées par grandes soles, il y a toujours beaucoup de terrain en jachère, c'est-à-dire, non emblavé; on peut y conduire un troupeau nombreux sans le secours des chiens. Les moutons vont naturellement tous ensemble ; ils ne s'écartent du troupeau que lorsqu'ils aperçoivent une pâture qui leur paraît meilleure que celle où ils sont : cet appât est ordinairement trop éloigné des grandes jachères pour les attirer; mais si le troupeau se trouve à l'un des bouts de la jachère près des terres sujettes au dégât, le Berger se tient du côté de ces terres pour les défendre.

D. Quel mal les chiens peuvent-ils faire aux moutons, et comment l'empêcher ?

R. Les chiens trop ardens et mal disciplinés se jettent sur les moutons, les mordent, les blessent et leur causent des abcès. Ils épouvantent les brebis pleines, et en les heurtant ils les font quelquefois avorter ; ils renversent les bêtes languissantes qui ont peine à suivre le troupeau ; ils les fatiguent toutes, et les échauffent en les menant trop vue et trop durement.
 

Pour empêcher tous ces inconvéniens, il ne faut employer à la conduite des troupeaux que des chiens d'un naturel doux, bien appris à ne montrer les dents qu'aux loups et jamais aux moutons. Un bon chien, bien dressé, les fait obéir, sans leur nuire ; ils s'accoutument à faire d'eux-mêmes ce que le chien leur ferait faire de force. Ils se retirent lorsqu'il s'approche ; ils n'avancent pas du côté où ils le voient en sentinelle sur le bord d'un terrain défendu.
 

D. Comment les chiens servent-ils à diriger la marche d'un troupeau ?
 

R. Lorsqu'un Berger conduit son troupeau devant lui, il peut bien hâter la marche du troupeau , et celle des bêtes qui restent en arrière ; mais il ne peut pas empêcher que le troupeau n'aille trop vite , ou que des bêtes ne s'en éloignent en le devançant, ou en s'écartant à droite ou à gauche ; il faut qu'il se fasse aider par des chiens. Il les place autour du troupeau, ou il les y envoie pour y faire rentrer les bêtes qui vont trop vite en avant, qui restent en arrière, ou qui s'écartent à droite ou à gauche.

D. Comment un Berger peut-il faire exécuter ces différentes manœuvres par ses chiens ?

R. Il faut qu'il les dresse de jeunesse, et qu'il les accoutume à obéir à sa voix. Le chien part à chaque signe et va en avant du troupeau pour l'arrêter, en arrière pour le faire avancer, sur les côtés pour l'empêcher de s'écarter ; il reste dans son poste, ou il revient au Berger, suivant les signes qu'il entend.

 

D. Que faut-il faire pour dresser un chien de Berger ?

PLANCHE I. Un Berger avec ses vêtemens, sa houlette, sa panetière et son chien. P. 217.

R. II faut apprendre au chien à s'arrêter, à se coucher, à aboyer, à cesser d'aboyer, à se tenir à côté du troupeau, à en faire le tour et à saisir un mouton par l'oreille au commandement que le Berger lui fait de la voix ou de la main.
 

D. Comment apprend-on à un chien à s'arrêter, ou à se coucher suivant la volonté du Berger ?
 

R. En prononçant le mot arrête, on présente au chien un morceau de pain ou d'autre aliment qui le fait arrêter, ou on l'arrête de force ; en répétant cette manœuvre, on l'accoutume à s'arrêter à la voix du Berger.

Pour dresser un chien à se coucher lorsqu'on le voudra, il faut le caresser lorsqu'il s'est couché de lui-même, ou après l'avoir fait coucher de force en le prenant par les jambes, et prononcer le mot couche ; s'il veut se relever trop tôt, on le frappe pour le faire rester.

Lorsqu'il est tranquille on lui donne à manger, et on parvient à le faire obéir en prononçant le mot couche.

D. Comment fait-on aboyer un chien lorsqu'on le veut, et comment l'empêche-t-on d'aboyer !

R. On imite l'aboiement du chien, en lui montrant un morceau de pain qu'on lui donne lorsqu'il a aboyé ; ensuite on prononce le mot aboie. On l'accoutume aussi à cesser d'aboyer, lorsqu'on prononce le mot paix-là. On menace le chien, et on le châtie lorsqu'il n'obéit pas ; on le caresse et on le récompense lorsqu'il a obéi.

D. A quel âge faut-il dresser les chiens pour les Bergers ?

R. On commence à dresser les chiens à l'âge de six mois, s'ils ont été bien nourris, et s'ils sont forts ; mais s'ils ont peu de force, il faut attendre qu'ils aient neuf mois.

D. Comment apprend-on à un chien à faire le tour d'un troupeau, à le côtoyer, à marcher en avant, à revenir sur ses pas et à rester en place ?

R. Pour apprendre à un chien à tourner autour du troupeau , il faut jeter en avant du chien une pierre pour le faire courir après , et la jeter encore successivement de place en place jusqu'à ce qu'on ait fait avec le chien le tour du troupeau, toujours en prononçant le mot tourne.

C'est aussi en jetant une pierre en avant et ensuite en arrière que l'on dresse le chien à côtoyer le troupeau en prononçant le mot côtoie : on dit va, pour le faire aller en avant ; reviens, pour le faire revenir ; et arrête, pour le faire rester en place : on emploiera d'autres mots pour faire obéir les chiens, dans les pays où les Bergers auront un autre langage.

D. Comment apprend-on à un chien à saisir un mouton par l'oreille pour le ramener lorsqu'il s'égare, ou pour l'arrêter au milieu du troupeau en attendant le Berger ?

R. On fait tourner un chien autour d'un mouton qui est seul dans un enclos ; ensuite on met l'oreille du mouton dans la gueule du chien pour l'accoutumer à saisir le mouton par l'oreille, ou on attache un morceau de pain à l'oreille du mouton qui est au milieu d'un troupeau ; alors on anime le chien à courir à l'oreille du mouton : il s'accoutume ainsi à la saisir. Par cette manœuvre on apprend au chien à arrêter le mouton que le Berger lui montrera dans un troupeau. Les chiens peuvent aussi arrêter les moutons en les saisissant avec la gueule par une jambe de devant ou par une jambe de derrière au-dessus du jarret ; mais ce dernier moyen n'est pas sans inconvénient ; souvent le jarret reste engourdi, et le mouton boîte pendant quelque temps.

D. Comment le chien fait-il obéir le troupeau ?

R. En courant dessus il fait fuir devant lui les premières bêtes qu'il rencontre, et de proche en proche tout le troupeau prend la même route, si le chien continue de le presser.

Lorsqu'une bête n'obéit pas assez vite à son gré, il l'approche et la menace de la voix.

D. Lorsqu'un chien est bien instruit, ne peut-il pas en instruire un autre ?

R. Il faut moins de temps et de peine pour instruire un jeune chien, lorsqu'il en voit un qui sait conduire le troupeau ; le jeune chien veut prendre les mêmes allures : mais il se trompe souvent ; il ne serait peut-être jamais bien instruit, si le Berger ne lui apprenait pas les choses que l'exemple de l'autre chien ne peut pas lui faire entendre.

D. Quels chiens faut-il prendre pour le service des troupeaux, et combien en faut-il ?

PLANCHE XIV. Un parc dressé, la cabane du Berger et la loge du chien P. 243.

Organisation d’un pacage en plaine, modèle que l’on retrouve jusqu’au 20e siècle en Beauce.

R. Tous ses chiens alertes et dociles sont bons pour être dressés au service des troupeaux.

On appelle chiens de race ceux dont le père et la mère sont bien exercés à conduire les troupeaux : on croit que ces chiens de race deviennent plus facilement que les autres de bons chiens de Berger. Dans les cantons où les terres exposées aux dégâts des moutons ne se rencontrent que rarement, un seul chien suffit pour cent moutons ; mais lorsque ces terres sont près les unes des autres, et que le troupeau en approche souvent, il faut deux chiens, et même trois ou quatre, parce que deux ne pourraient pas résister toute la journée ou pendant plusieurs jours de suite aux courses presque continuelles qu'ils sont obligés de faire, pour détourner les moutons qui s'approchent des terres défendues. Il faut donc avoir assez de chiens pour les relayer, et leur donner le temps de se reposer lorsqu'ils sont trop fatigués.

Dans les cantons où les loups sont à craindre, il faut que les chiens des Bergers soient assez forts pour leur résister, et assez aguerris pour leur donner la chasse. Les chiens bien garnis de poil, supportent mieux le froid et la pluie que les autres.

D. Quelle race de chiens préfère-t-on aux autres dans les cantons où les loups sont peu à craindre !

R. La race des chiens que l'on appelle chiens de Berger, parce que ce sont ceux que l'on emploie le plus communément pour le service des troupeaux; ils sont naturellement fort actifs, et on les rend aisément très-dociles.

On peut aussi dresser des chiens de toute autre race.

D. Quelle est la meilleure race de chiens pour la garde des troupeaux dans les cantons où les loups sont à craindre ?

R. Celle des mâtins. Ces chiens sont forts et courageux ; mais il faut les armer d'un collier de fer hérissé de longues pointes, et les animer contre le loup les premières fois qu'ils ont à le combattre, ou les mettre de compagnie avec d'autres chiens déjà aguerris.

D. Quelle précaution faut-Il prendre lorsqu'on est obligé d'employer un chien mal discipliné, qui blesse les moutons ?

R. Il faut lui casser les dents canines, que l'on appelle les crochets, et qui entreraient profondément dans la chair du mouton, lorsqu'il le mordrait.

D. Comment faut-il nourrir les chiens des Bergers ?

R. Il en coûte très-peu pour les nourrir ; lorsqu'on est près des grandes villes, où il meurt souvent des chevaux, et où l'on fond beaucoup de suif, on donne aux chiens de la chair de cheval, ou ce qui reste après la fonte des suifs : au défaut de ces denrées, on leur fait du gros pain. Il ne faut jamais leur donner à manger de la chair des bêtes à laine : si on les accoutumait à cette nourriture, ils prendraient aussi l'habitude de mordre les bêtes du troupeau, par avidité pour leur sang. On dresse les mâtins comme les autres chiens pour la conduite des moutons.

D. Les Bergers n'ont-ils pas quelque moyen qui leur facilite la conduite des troupeaux lorsqu'ils manquent de chiens ?


R. Ils apprivoisent quelques bêtes du troupeau; ils leur donnent des noms particuliers, et les accoutument à venir à eux lorsqu'ils les appellent. Pour leur faire prendre cette habitude, ils les font suivre en leur présentant un morceau de pain. Lorsque le Berger veut faire passer le troupeau par un défilé, le faire changer de route ou le rassembler, il fait venir à lui les bêtes apprivoisées ; celles qui se trouvent auprès d'elles les accompagnent, les autres viennent après, et bientôt tout le troupeau se trouve disposé à suivre les pas du Berger.

D. Quelles précautions y a-t-il à prendre contre les loups ?

R. 1° On attache au cou d'un certain nombre de moutons, des sonnettes, dont le son fait retrouver les bêtes qui se sont écartées dans les bois et dans quelques endroits où le Berger ne peut pas les apercevoir. Lorsque le loup approche du parc, ou de la bergerie, les bêtes à laine sont ordinairement les premières à le sentir; elles s'effraient et s'agitent de manière à faire bien entendre leurs sonnettes, qui avertissent du danger les chiens et le Berger. Les sonnettes appellent aussi le Berger, lorsqu'il arrive dans la bergerie quelque chose d'extraordinaire qui met les bêtes à laine en mouvement, le jour ou la nuit.

2° Le Berger fait accompagner son troupeau par des chiens assez forts et assez courageux pour faire face au loup, le mettre en fuite, le poursuivre et même le tuer.

3° Le Berger veille attentivement sur son troupeau lorsqu'il le conduit près des bois, ou dans des cantons fréquentés par les loups.

Il doit avoir la même attention lorsqu'il se trouve près des champs où l'herbe est assez haute pour que les loups puissent y rester cachés. Ils sont partout à craindre dans les jours de brouillard, et à l'entrée de la nuit, et surtout près des haies et des buissons, où ils se tiennent en embuscade.

4° On fait des feux, ou au moins de la fumée, près des troupeaux.

D. Que doit faire le Berger lorsque les loups approchent du troupeau, ou lorsqu'ils ont déjà saisi quelque bête à laine ?

R. Lorsque le loup paraît, le Berger rassemble son troupeau et met ses chiens à la poursuite du loup. Il reste auprès de son troupeau ; il observe s'il ne verra point paraître d'autres loups de quelque autre côté ; il crie au loup ; il encourage ses chiens. Mais si le loup a déjà saisi sa proie, le Berger court dessus, sans cependant perdre de vue le troupeau ; il anime les chiens au combat ; il s'efforce de faire lâcher prise au loup, ce qui arrive souvent *.
 

* Dans les pays où les loups sont communs, et où les troupeaux parquent, le Berger aura un fusil dans sa cabane (HUZARD).

Source Gallica-BNF

Fréville, Anne-François-Joachim (1750?-18..). - Histoire des chiens célèbres, entremêlée de notices curieuses sur l'histoire naturelle, pour donner le goût de la lecture à la jeunesse.

Tome 2. Par A.-F.-J. Fréville,... Seconde édition, 2 tomes... 1808.

Ruse des Loups.

  Rien n'est mieux combiné,  rien n'est si étonnant que l'accord et le concert des scélérats entre eux ; voilà la cause de leur supériorité sur les gens de bien, qui sont trop timides, et qui ne savent point s'entendre. Les loups eux-mêmes confirment la vérité de ces observations.

  En se promenant dans une campagne, un riche propriétaire apperçut [sic] un vieux loup qui guettait un troupeau de moutons ; il en avertit le berger, et lui conseilla de faire poursuivre la bête vorace par ses chiens ; je m'en garderai bien, répondit le berger ; ce loup que vous voyez n'est-là que pour détourner mon attention ; il y a certainement un peu plus loin un second loup caché, qui n'attend que le moment où je lâcherai mes chiens sur celui-ci, pour m'enlever une brebis.

  Le bourgeois curieux de vérifier le fait, et ne pouvant concevoir une telle audace, s'engagea à payer la brebis, dans le cas où elle serait emportée. A peine les chiens vigoureux furent-ils lâchés d'un côté sur le loup, que deux autres, qui étaient embusqués derrière un arbre, partirent chacun d'un côté opposé, et vinrent saisir audacieusement un tendre agneau qu'ils traînèrent dans un bois voisin.

Frontispice du tome 1

Source Gallica-BNF

Thouin, André (1747-1824), Tessier, Alexandre-Henri (1741-1837). - Nouveau cours complet d'agriculture théorique et pratique contenant la grande et la petite culture, l'économie rurale et domestique, la médecine vétérinaire, etc. ou Dictionnaire raisonné et universel d'agriculture. Tome second, ASC-BOEU / . Par les membres de la section d'agriculture de l'Institut de France... Nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée. - A Paris, chez Déterville, libraire et éditeur, rue Hautefeuille, n° 8. M. DCC. XXI [-M. DCC. XXIII] [1821-1823]

BERGER. Ce mot est consacré pour désigner l’homme qui soigne les troupeaux de bêtes à laine. Il diffère des mots pâtre, pasteur, pastoureau, qui s’appliquent aux gardiens de toute espèce de bétail. Ces derniers noms sont génériques ; celui de berger est une dénomination particulière.

 

     En général les bergers mènent trop vite leurs troupeaux : ce qui n'est qu'un léger inconvénient pour les moutons et pour les brebis qui ne sont pas pleines, en est un grand pour celles qui le sont , et pour les agneaux. Il vaut mieux qu'ils s'en fassent suivre que de les faire marcher devant eux : les chiens souvent sont nuisibles et favorisent la négligence des bergers, blessent et tuent même les animaux. Les Espagnols sont habitués à se servir de moutons apprivoisés, qui, à la voix , observent et dirigent le troupeau entier ou les divisions du troupeau sur les points où l'on désire les porter. Qui empêche que la plupart de nos bergers, au moins dans quelques saisons, ne les imitent ? On ne peut contester l'utilité des chiens dans les pays où les cultures sont variées et divisées, et par-tout où il faut une garde active de jour, et une grande surveillance de nuit. 

     Deux sortes de chiens sont employées par les bergers : les uns, gros, forts et vigoureux , sont destinés à écarter les ours et les loups ; les autres, petits, mais vifs, ardens et pleins d'intelligence, font mouvoir les bêtes à laine quand ils en ont l'ordre, comme un colonel fait mouvoir son régiment. Les premiers sont gardiens des troupeaux contre leurs ennemis ; les derniers sont gardiens des propriétés contre les troupeaux. La nature et l'instinct seuls forment les gros chiens pour ce genre de guerre ; leur courage leur suffit : les autres ont besoin d'une éducation particulière. Pour s'en procurer de bons, le premier soin est de bien choisir la race, celle dite chien de berger est la meilleure. Pour tirer des petits de l'accouplement d'un mâle et d'une femelle de cette race, il faut que la chienne ne soit couverte que par un seul chien. A six mois, on commence à dresser les jeunes ; à un an ou à quatorze mois, leur éducation est faite. Tant qu'on cherche à les former, on aurait tort de les laisser courir avec les autres chiens après les moutons ; ils seraient gâtés pour jamais. Quand le berger fait manœuvrer les jeunes chiens, il les tient en laisse et il les envoie seuls pour qu'ils ne soient pas troublés. Il les corrige chaque fois qu'ils désobéissent et mordent les animaux. Quelquefois il est obligé de leur casser les crochets. La première fois qu'un berger exerce un chien, il se met près du troupeau ; peu-à-peu il s'en éloigne, à mesure que le chien se forme ; à la fin, de quelque distance qu'on lui ordonne de courir, il fait ce qu'on lui demande, et ne manque pas de partir.

     Les chiens , comme les autres animaux et les hommes, ont leur caractère qu'il faut étudier : il y en a qui veulent être caressés ; on n'obtient rien des autres sans les battre : parmi ceux-ci il s'en trouve de boudeurs, qui ne valent rien, parce que si le berger les corrigeait ils le laisseraient dans l'embarras. Les meilleurs sont ceux qui, après avoir été battus , reviennent caresser leur maître.

     J'ai vu des chiens qui ne voulaient aller qu'à la droite ou à la gauche du berger. Il fallait qu'il se plaçât, à l'égard du troupeau, de manière que le chien se retrouvât toujours du côté où il était accoutumé d'aller : c'était un vice d'éducation.

     Un chien, dans les pays où il y a beaucoup de culture à conserver, ne dure pas dix ans , parce qu'il s'excède de travail ; lorsque c'est en plaine et que la terre n'est pas pierreuse, il vit plus que dans les cas contraires.

     Un bon chien doit obéir ponctuellement, ménager le bétail , et être très-surveillant et même, méchant au parc.

     Les instrumens du berger sont une houlette, un fouet, un bâton. La houlette est composée d'un long manche de bois, de 5 à 6 pieds , d'un petit fer de bèche, un peu en cuillère à un bout, et d'un crochet de fer recourbé ou très-coudé à l'autre bout. Le berger se sert du fer de bêche pour lancer des mottes de terre contre ses chiens et contre les moutons, et pour amonceler des gazons, avec lesquels il se forme des abris. A l'aide du crochet il arrête une bête en la saisissant par une des jambes de derrière. Le fouet est nécessaire en été sur-tout et dans le temps du parcage ; il réveille mieux les animaux au milieu de la nuit que la voix du berger et les aboiemens des chiens. La bâton est l'appui des mauvais temps et la défense ordinaire ; il faut qu'il soit gros et d'un bois dur. Dans le midi, les bergers ne font usage ni de la houlette ni du fouet, parce qu'ils ont moins à garder et parce qu'on n'y parque pas. A ces instrumens joignez la pannetière, poche de cuir à plusieurs compartimens, pour serrer le pain, une lancette et un bistouri pour saigner ou ouvrir un dépôt, un grattoir pour détruire les boutons de gale ; du fil , du linge, en cas de blessure, et vous aurez à-peu-près tout ce qui est utile à un berger quand il est aux champs. […]

Source Gallica-BNF

Menault, Ernest (1830-1903). - Les ouvriers de la ferme : le berger, conduite du troupeau et dressage des chiens, par Ernest Menault,... 4e édition. - Pairs, 1898

     [p. 30-32]

     Dans la région du Sud-Ouest qui comprend l'Ariège la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées, les Landes, le Gers, la Gironde, la Charente, la Charente-Inférieure, la Dordogne, le Lot, Lot-et-Garonne, le Tarn et le Tarn-et-Garonne, on trouve un grand nombre de races ovines qui ne sont pas mieux caractérisées que dans la région précédente. Ce sont : 1° la race quercinoise ou race des Causses, qui vit exclusivement sur les pâturages, dans les bois et sur les collines et qui souvent parcourt dans la journée jusqu'à 10 kilomètres pour trouver sa nourriture : pour éviter que les animaux ne s'égarent, ils portent au cou une clochette ; 2° la race lauraguaise, dont les brebis bonnes laitières donnent souvent deux agneaux ; 3° la race pyrénéenne ; 4° la race landaise, très-rustique, à laquelle l'herbe rare et maigre des landes suffit, et qui, presque constamment dans l'eau, est néanmoins peu sujette aux maladies; 5° la race ariégeoise, qui a plus ou moins de sang mérinos, passe la belle saison sur les pâturages des montagnes du Comté de Foix et sur les hauts plateaux de la vallée de l'Ariège, où elle est connue sous le nom de race Saint-Gironnaise : on l'engraisse dans les vallées inférieures et dans les plaines ; 6° la race maraichine et la race de Champagne ; 7° la race mérinos croisée, la race Southdown croisée.

     Les bêtes à laine de cette région forment, suivant les localités, des troupeaux plus ou moins considérables. Dans diverses contrées, on les confie à des enfante qui les gardent fort mal ; dans d'autres, ce sont des bergers de profession qui les surveillent.

     Les troupeaux qui, pendant la belle saison, errent de pâturage en pâturage dans les montagnes des Pyrénées, sont toujours précédés par un jeune berger qui appelle de la voix et aussi de la cloche tout animal qui s'éloigne ; le berger ou pâtre marche derrière ; souvent il est suivi par un aide muni d'un sac de sel orné d'une grande croix rouge.

     Les bergers pyrénéens sont ordinairement accompagnés d'un chien appartenant à la race du pays. Ces chiens sont assez forts pour combattre contre les loups et les ours.

     Les bêtes à laine qui vivent dans les landes de la Guyenne, sont surveillées par des pâtres montés sur des échasses. Ces bergers, si curieux par leurs costumes et la facilité avec laquelle ils se déplacent et traversent les landes brûlantes pendant l'été et inondées durant l'hiver, disparaissent d'année en année par suite du progrès de l'agriculture et de la diminution des terres de bruyères et des grands troupeaux de bêtes à laine.

     En général, pendant la mauvaise saison, les troupeaux ne reçoivent comme supplément de nourriture que de la paille de seigle ou de froment.

     [p. 51-53]

     Les chiens de berger.

     Le chien est le premier ministre du berger. Il exécute toutes ses volontés, il maintient le troupeau dans la légalité, il rappelle les délinquants à l'ordre, avertit de la voix celui-ci, mord quelquefois celui-là. Il est ministre, préfet de police et garde champêtre. Pour remplir tant de fonctions, il importe qu'un chien soit intelligent.

     Dans une leçon faite au concours régional agricole de Bourges en 1897, nous avons cherché à établir l'historique des chiens de berger. Cela n'est pas facile. Les auteurs latins donnent des renseignements vagues. Les chiens de berger à bette époque sont surtout des animaux destinés à protéger les troupeaux contre les loups.

     Terentius Varron décrit les qualités physiques du chien de berger. C'est un chien de garde, il doit être robuste et avoir le poil blanc, pour qu'on puisse facilement le distinguer des bêtes fauves dans l'obscurité de la nuit.

Columelle veut aussi que ces chiens soient robustes, prompts et dispos, et de couleur blanche.

     Dans le Bon Berger, Jehan de Brie indique comment on doit habituer un chien à ne prendre les brebis que par l'oreille.

     Charles Estienne entend que le « père de famille fasse estat » d'avoir trois sortes de chiens :

L'une qu'on appelle chien de garde contre les secrètes embûches des larcins de l'homme ;

L'autre qu'on appelle chien de berger, pour résister aux outrages des hommes et bêtes sauvages et les repousser.

     Le chien de berger doit être tant gros et pesant que celui de la métairie fort et robuste, et aucunement prompt et léger, car on le prend pour combattre et pour courir, attendu qu'il doit guetter et chasser les loups. Il veut aussi qu'il soit blanc.

     Pour Buffon, le chien de berger est celui qui se rapproche le plus de la race primitive. On les appelle en France communément chiens de Brie. Ce chien primitif transporté dans des climats tempérés et chez des peuples policés, en Angleterre, en France, en Allemagne aurait perdu son air sauvage, ses oreilles droites, son poil rude, épais et long, et serait devenu dogue, chien courant et mâtin par la seule influence de ces climats.

     Daubenton reprend la thèse de Buffon, et il insiste sur ce que la forme du museau est le trait le plus marqué de la physionomie des chiens de chaque race et le caractère le plus décisif pour les distinguer. Voici la description qu'il fait des chiens, de berger. La taille de ces chiens est au-dessous de celle des mâtins, des grands danois. Ils ressemblant beaucoup aux mâtins par la forme de la tête et du museau, qui sont plus grands que dans les lévriers et plus minces que dans les danois.

     Les chiens de berger ont les oreilles courtes et droites et la queue dirigée horizontalement en arrière ou recourbée en haut, et quelquefois pendante ; le poil est long sur tout le corps, à l'exception du museau et de la face extérieure des jambes de derrière. Le noir est la couleur dominante de ces chiens : les jambes et la queue ont plus de fauve que de noir. Il y a aussi deux taches de couleur fauve au-dessus des yeux et quelques teintes de cette même couleur sur le museau. On appelle les chiens de cette race chiens de berger parce qu'on les emploie à la garde des troupeaux. Ce type se rapproche du chien de Beauce à poil long. Dans le Cours d'agriculture de l'abbé Rozier, 1809, on signale deux sortes de chiens : Pour les pays de plaines, le chien de Brie ; ses oreilles sont courtes et la queue dirigée horizontalement ou recourbée en haut ou quelquefois pendante, son poil long sur tout le corps ; le noir est la couleur dominante. Pour les pays de bois et de montagnes, les bergers devront joindre aux chiens de Brie des défenseurs plus robustes, des mâtins de forte race.

     En 1810, Tessier, dans son ouvrage Instruction sur les bêtes à laine, fait connaître deux sortes de chiens de berger : les uns gros et vigoureux, destinés à écarter les ours et les loups ; les autres petits, mais vifs, ardents et plein d'intelligence ; ceux-ci font mouvoir les bêtes à laine. On reconnaît dans cette désignation le chien de Beauce et le chien de Brie.

     On admet aujourd'hui des chiens de Beauce, de Brie, du Languedoc, de la Crau ou des Pyrénées.

 

     [p.  188-190] Menault reprend le texte et les explications de l’abbé Tessier puis il conclut par :

     Un bon chien doit savoir ponctuellement ménager le bétail, être très surveillant et même méchant. Ajoutons qu'un bon chien de berger ne doit pas mordre les bêtes, mais seulement les bourrer.

     Lorsque celles-ci sont dans l'abondance, lorsque des pièces de terre un peu étendues leur offrent un bon pâturage, alors elles sont faciles à garder, mais lorsque la faim les presse, lorsque dans le temps qui précède la moisson un troupeau trouve à peine de quoi ne pas mourir de faim, il faut alors que le chien fasse usage de la dent. Souvent deux chiens sont nécessaires, un de chaque côté. Quand ils sont mal nourris, ils ne résistent pas longtemps ; certains chiens prennent les brebis par les oreilles et les déchirent. D'autres les attrapent à l'avant-bras ou au flanc, ce qui cause souvent du mal aux moutons. Un chien, s'il doit mordre, s'attaquera au-dessus du jarret ou sur le cou.

     Si le chien ne doit pas mordre, il doit aboyer quelquefois, mais seulement au comman

dement de son maître. Quand le chien aboie continuellement, les bêtes n'y font plus attention.

     Lorsque le chien est bien dressé, si le berger veut s'absenter, il n'a qu'à intimer ses ordres au chien, celui-ci maintiendra à lui seul le troupeau. Les champs qui bordent la route ne subiront aucun dommage, ils seront préservés, et cela sans autre défense que l'infatigable activité du chien qui, tout fier de remplacer son maître, va, vient, retourne et monte ainsi la garde pendant des heures entières.

     Certains bergers coupent ou plutôt arrachent la queue de leur chien quand il est jeune ; ils prétendent que lorsqu'il est dépourvu de cet appendice, il fait plus de travail avec moins de fatigue. Nous croyons que cette mutilation a des inconvénients. car la queue sert en quelque sorte de balancier et aide le chien dans l'exécution de ses mouvements.

     Terminons en disant que si le berger veut être bien obéi, il importe qu'il se fasse aimer de ses chiens. Il doit les caresser toutes les fois qu'ils remplissent bien leur fonction, quand, voyant les bêtes commettre un dégât, ils n'attendent pas qu'on leur dise de les rappeler à l'ordre. Le berger n'oubliera pas que son chien aime les caresses, les bonnes paroles et aussi les friandises.

Source Gallica-BNF

Dubourdieu, Charles. - Le chien : considérations générales, races, croisements, éducation, emplois utiles maladies, traitements... (2e édition) / par Charles Dubourdieu,.... 1855.

Source Gallica-BNF

« L’Eleveur », article du 21 janvier 1923

Source Gallica-BNF

L’Eleveur : médical, scientifique et littéraire... Livraison du 19 août 1923

L'ERGOT DES RACES BERGÈRES (1)

L'ergot est-il ou non avantageux à l'utilisation du chien de berger ; c'est là toute la question.  

     

Je fais partie d'une école où on ne mettait pas en doute que l'ergot ne fut un des caractères distinctifs des races bergères. Cette conviction,  je ne l'avais pas puisée dans les livres et ouvrages de cynologie, car comme je l'ai indiqué dans mon article du 12 novembre dernier, notre littérature canine est assez pauvre de renseignements relativement à la morphologie des chiens de berger, les auteurs s'étant plutôt attachés à mettre en lumière les merveilleuses aptitudes et les remarquables facultés intellectuelles de nos races bergères, que les particularités de leur structure et de leur conformation.

C'est autour des rings, c'est dans les conversations entre amateurs, c'est en observant les chiens de berger dans leur travail, c'est en examinant les chiens de rue, et c'est aussi en passant quotidiennement en revue les chiens amenés à la Fourrière de Paris (établissement qui a été pour moi, pondant deux ans, un incomparable centre d'observation), que s’était confirmée mon opinion au sujet de l'ergot.      

      

Du reste, jusqu'à ces dernières années, il n'était pas en discussion que l'ergot ne constituât un des attributs de nos chiens de berger. J'ai encore le souvenir très précis des explications que me donnait un jour dans une exposition mon éminent et regretté maître et ami, M. Pierre Mégnin — le fondateur de ce journal — pour me faire comprendre pourquoi le chien des Pyrénées, qui n'est plus considéré aujourd'hui que comme un chien de garde, doit être doublement ergoté, tout comme un chien de berger : ces grands chiens de montagne avaient été primitivement utilisés à la garde des troupeaux à une époque où il fallait défendre ces derniers, non pas seulement contre les loups, mais aussi contre les ours, ce qui exigeait l'emploi de chiens beaucoup plus lourds et robustes que ceux de nos races bergères actuelles et c'est donc comme marque de leur origine et de leurs anciennes fonctions que ces chiens de montagne ont conservé le double ergot, caractère distinctif de nos races bergères.

Il parait qu’en émettant une pareille théorie ; M Pierre Mégnin se serait trompé. Errare humanums est, et M. Mégnin serait, en effet, fort excusable, lui qui a mis au jour tant d autres véités.

Et avec lui se seraient également trompés tous les amateurs utilisateurs et éleveurs de nos races bergères qui jusqu’à ce jour, se sont attachés â rechercher, conserver, sélectionner les chiens doublement ergotés. Enfin ce serait encore et toujours par suite d’une profonde erreur que les rédacteurs .des standards du beauceron et du briard ont considéré le double ergot comme un des caractères essentiels de ces races et ont même fait de son absence un cas de disqualification.

Et sait-on pourquoi tous ces cynophiles se seraient trompés ? C’est parce qu’ils n‘auraient pas vu  que l'ergot constituait un désavantage et présentait des inconvénients pour l'utilisation de ces chiens.

C'est tout et c'est peu, même en corsant cette dernière raison des précédentes : défaut de stabilité de l'ergot dans l'hérédité et déchet qui en résulte dans l'élevage.

C'est peu, en effet, et les promoteurs, de la suppression de l'ergot l'ont si bien compris qu'ils ont, parait-il, jugé nécessaire d'avoir recours â une enquête, à une espèce sic referendum, pour combler le vide de leurs allégations.

Que peut démontrer cette enquête ? Que le double  ergot donne au chien de berger une démarche déplaisante et alourdit et gêne certains du ses mouvements ? Mais, tout le monde est d'accord sur ce point et il est bien inutile de se procurer des déclarations et des attestations, quand il suffit d'ouvrir les yeux pour voir : il n'y a qu'à regarder marcher un lévrier à côté d'un chien des Pyrénées pour constater que c'est celui deux qui a l'extrémité des membres la plus déliée qui possède la démarche la plus élégante. A défaut d'autres exemples du même ordre, que nous pourrions facilement trouver parmi nos animaux domestiques, il n'y a qu'à considérer ce qui se passe dans la nature, qui est un grand maître en fait de sélection, pour voir que l'extrémité des membres se simplifie et que le nombre des doigts diminue au fur et à mesure que la forme animale se développe dans l'action de la course.

On peut contrôler cette observation non seulement en suivant la décroissance du nombre des doigts chez les mammifères, les mieux appropriés pour courir : bovidés, cervidés, équidés, mais aussi chez les oiseaux : outardes, casoars, autruches.

 Plus l'animal s'adapte à la course et plus l'extrémité de ses membres se débarrasse de tout appendice inutile pour se réduire à deux doigts, dont un rudimentaire, commue chez l'autruche ou à un simple sabot comme chez le cheval. Bien plus, peut constater que chez le cheval anglais de course, cette réduction se traduit avec une telle intensité que, si la race continue à être sélectionnée dans le sens de la vitesse, on peut craindre que le sabot finisse par se réduire à une simple pointe, ce qui rendrait l'animal incapable de répondre au but auquel il est destiné.

Il n'est donc point besoin d'enquête ni de referendum pour faire la preuve d'un fait évident et nul n'a songé à nier qu'en supprimant l'ergot, on débarrasse le chien d'une entrave, ce qui lui donne plus de liberté dans ses mouvements.

Au dire des partisans de la suppression de l'ergot, voilà précisément le progrès qu'il s'agit de réaliser. Est-ce un progrès ? Sans avoir besoin d'aller chercher une définition dans Larousse, chacun comprend que dans le cas qui nous occupe, il ne peut y avoir de progrès que s'il est démontré qu'en rendant au chien de berger la liberté de ses mouvements, nous offrons â ceux qui l'emploient un animal plus apte et mieux approprié aux services qu'ils lui demandent.

Or, le chien de berger doit-il être un chien rapide ?

J'ai précédemment rapporté à ce sujet l'opinion de l'abbé Rosier, dans son Cours d'Agriculture, telle que l’avait adoptée M. Pierre Mégnin qui l'a reproduite dans son ouvrage : Le Chien et ses Races. Voici d'autre part, ce qu'a écrit M. Eug. Gayot « Par trop d'ardeur et d'impétuosité, le chien de berger inspire trop de crainte à ses ouailles ; il bouscule et blesse les  bêtes les plus rapprochées de lui ; il épouvante les brebis pleines en les heurtant et détermine des avortements toujours regrettables; il fatigue, il échauffe le troupeau en le menant trop vite et trop rudement. » (Eug. Gayot. Le Chien, p. 143.)

Cette définition du rôle du chien de berger est lumineuse pour éclairer la thèse que nous soutenons ici et il ne nous resterait plus rien à dire pour démontrer que ce type de chien ne doit être ni trop vite, ni trop impétueux, si nous ne nous rappelions la phrase sévère du professeur Barons à l'égard des théoriciens, dont l'opinion n'est pas toujours conforme à celle des praticiens, utilisateurs et éleveurs, Or, ni Eug. Gayot, ni moi - et je le regrette par le temps qui court - ne pouvons invoquer l'expérience que nous aurions acquise' dans la profession de berger et de gardien de troupeaux.

Recherchons donc ce que peut nous apprendre sur cette question de l'ergot le praticien, berger et paysan. Je prétends que l'énorme majorité, sinon la presque totalité des chiens utilisés en France à la conduite et à la garde des troupeaux, possèdent l'ergot simple et le plus souvent encore le double ergot. Ce n'est qu'une simple affirmation de ma part, mais on me concédera que nos races de chien de berger aujourd'hui classées dans nos catalogues d’expositions canines,  n’ont pas vu le jour et n'ont pas été créées sous les riants ombrages de la Terrasse de l'Orangerie.

Les premiers chiens, venant de quelques provinces plus ou moins lointaines, engagés dans une exposition sous la dénomination de chien de berger s’y sont présentés avec leurs caractères particuliers, tels que les recherchaient dans leur pays d'origine leurs éleveurs et leurs utilisateurs et, à moins d'accuser d'une véritable aberration d'esprit les cynophiles qui les ont tout d'abord observés et étudiés, qui ont ensuite suivi les représentants de ces races d'exposition en exposition pour en arriver à établir leur standard, en tenant compte de leurs caractères spéciaux il faut bien croire qu'ils n'auraient pas imaginé que ces animaux étaient pourvus d'un double ergot si véritablement les individus qu'ils avaient eus sous les yeux ne présentaient que cette particularité.  

                                                      

Or, qui pourra croire que le berger, que le paysan, si grand observateur et toujours si près de ses intérêts, se soit ainsi attaché à rechercher et à posséder des chiens présentant le double ergot, s'il n'y avait pas vu un avantage ? L'esprit d'observation du berger ? mais il faut n'en avoir jamais vu, pour douter de sa sagacité ! Songez donc qu'accoudé sur son bâton, il passe la plus grande partie de sa journée à regarder, à réfléchir, à chercher ce dont il pourra tirer profit. Et c'est là le genre d'homme qui, ayant constamment son chien sous les yeux, dont il suit le travail, dont il observe les moindres mouvements, ne se serait pas aperçu que l'ergot est une véritable entrave pour son auxiliaire et que sou intérêt lui commandait de l'en débarrasser ?

En conservant l'ergot chez leurs chiens de troupeaux, ces utilisateurs nous fournissent donc la preuve la plus éclatante du l'utilité de ce caractère.

Mais au surplus, si le berger, et le paysan de nos campagnes de France avaient considéré que l'ergot était un appendice inutile, sinon nuisible au travail qu'ils exigent de leurs chiens, il leur aurait été facile de les remplacer par d'autres : un chien, même et surtout un chien de berger, ça se change quand il ne répond pas aux services qu'on attend de lui. Sans avoir recours à la sélection pour obtenir des chiens sans ergot, il est facile de s'en procurer qui sont dépourvus de cet appendice.

Car théoriquement, - je ne dis pas pratiquement - la race de chiens de berger sans ergots existe : elle a d'abord porté le nom de chien de berger allemand, qu'elle a troqué depuis contre celui de berger d'Alsace. Or, ce n'est pas cette race qui manque, même dans les coins les plus reculés de nos provinces. Avez-vous vu beaucoup de chiens de berger d'Alsace chargés de la conduite et de la garde de nos troupeaux ?

J'ai eu la bonne fortune, Il y a une quinzaine d'années, d'avoir en mains, pondant quelques jours, deux des premiers spécimens de cette race qui venaient d'être importés en France : ces chiens, Mars et Nelly, je crois, m'avaient été confiés par mon ami, le commandant Tollet, pour être présentés à une exposition de Biarritz, dont j'étais l'un des organisateurs : quand leur propriétaire vint les prendre et que je pus observer ces animaux en plein mouvement sur la plage, je fus frappé par leur allure si différente de celle de nos chiens de berger : vifs, alertes, pétulants, impétueux, ils n'avalent rien de l'attitude réfléchie, attentive, bien qu'ardente et vigilante de nos races françaises. A quelque temps de là, j'eus l'occasion de m'entretenir de cette race de chiens avec un amateur, passionné comme moi d'élevage de pigeons et d'animaux de basse-cour, qui fut dans notre pays un des grands propagateurs de bergers allemands et qui les connaissait bien pour des raisons que je ne crois pas utile de rappeler ici. Il m'expliqua les qualités de ces chiens et je me souviens d'une manière très nette qu'en mettait en parallèle les avantages que ces derniers présentaient sur les nôtres, il fit notamment valoir leur agilité et surtout la subtilité et la finesse de leur odorat, ce qui le rendait des chiens pisteurs par excellence, tandis que nos races de bergers français sont parmi celles qui ont le moins de flair.

Si déjà je n'avais pas su à quel usage on employait ces chiens sur les rives de la Sprée et de la Vistule, les renseignements ainsi recueillis auraient suffit pour me convaincre que ces prétendus chiens de berger étaient destinés à un tout autre usage qu'à la garde et à la conduite des troupeaux.

Malgré tout, on leur a conservé en terminologie cynophile le nom de bergers, bergers d'Alsace (ci-devant bergers allemands).

Mais le public ne s'y trompe pas, et les catalogues d'exposition ont beau les qualifier de bergers et les journaux canins ont beau chanter leurs mérites sous la rubrique chiens de berger : l'écho leur répond par la voix populaire : chiens policiers ! Vox populi, vox Dei, car en effet, ces chiens d'Alsace (ci-devant chiens allemands), ne peuvent et ne doivent être considérés que comme une race de chiens propres à être dressés à l'attaque et à la défense.

Est-ce à cet aboutissement que veulent en venir les réformateurs de nos races bergères – beauceron et autres – en supprimant l'ergot d'abord, en sélectionnant ensuite le sens de l'odorat, en leur donnant enfin le tempérament agressif et impétueux qui, en leur ouvrant la carrière de chiens de police et de chiens de défense, les éloignent à jamais de la garde et de la conduite du troupeau, auxquelles elles seront dorénavant impropres ?    

       

        J. Bailly-Maitre.

(1) Voir le numéro 1956.

Source Gallica-BNF

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