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La Gazette du Centenaire   

       Livraison de mars 2023

Nous les chiens de berger, bergers des Pyrénées …

 

Georges-Louis Leclerc, Comte de Buffon (1707-1788). - Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi. Tome cinquième. – A Paris, de l’Imprimerie Royale. M. DCCLV. [1755]

Le Chien de Berger (détail de la pl. XXVIII)

Chiens de Berger

 

La taille de ces chiens est au dessous de celle des mâtins, des grands lévriers & des grands danois ; ils ressemblent beaucoup aux mâtins par la forme de la tête & du museau, qui sont plus gros que dans les lévriers, & plus minces que dans les danois. Les chiens de berger ont des oreilles courtes & droites, & la queue dirigée horizontalement en arrière, ou recourbée en haut, & quelquefois pendante. Le poil est long sur tout le corps, à l’exception du museau et de la face extérieure des jambes, & même de la partie postérieure des jambes de derrière qui est au dessous des talons. Le noir est la couleur dominante de ces chiens : celui dont on voit la figure (pl. XXVIII) a du gris sur la gorge, sur la poitrine & sur le ventre ; les jambes & la queue ont plus de fauve que de noir, il y a aussi deux taches de couleur fauve au dessus des yeux, & quelques teintes de même couleur sur le museau. On appelle les chiens de cette race, Chiens de Berger, parce qu’on les emploie à la garde des troupeaux.

Blaze, Elzéar (1788-1848). - Histoire du chien chez tous les peuples du monde : d'après la Bible, les Pères de l'Eglise, le Koran, Homère, Aristote, Xénophon, Hérodote, Plutarque... 1843. Extraits : Chapitre IX. Le chien gardien, berger, sentinelle, soldat, p. 167-169.

Chapitre  XXI. Variétés du chien, p.389-390.

Source gallica.bnf.fr

[…]

 

Le chien n'en est pas moins le meilleur gardien que l'homme puisse avoir, soit pour ses troupeaux, soit pour sa maison, soit pour sa sûreté personnelle. Reusner a fort bien décrit les qualités du chien dans ce distique :

 

                Cauda blandus, et ore minax, et naribus acer

                Fidus heri custos, excubitorque canis.

 

[La traduction souligne la queue flatteuse, la bouche menaçante, le nez «  pointu » d’un fidèle gardien, d’un veilleur]

 

Voyez ce chien de berger, il garde trois cents moutons mieux que ne pourrait le faire un régiment de grenadiers. Toujours au galop, il va, il vient : il est chargé de protéger ce champ de blé, aucun mouton n'y touchera sans être sévèrement puni. S'il se repose, c'est Napoléon devant son armée ; la fierté brille dans ses yeux, il règne sur ce troupeau de bêtes, il semble leur dire : « Vous êtes ici pour m'obéir. » Du moment que l'une d'elles franchit la limite qu'il a tracée en se promenant, il court, et d'un coup de dent il la fait rentrer au milieu des autres.

 

                Aimable autant qu'utile,

                Superbe et caressant, courageux et docile,  

                Formé pour le conduire et pour le protéger,

                Du troupeau qu'il gouverne il est le vrai berger ;

                Le ciel l'a fait pour nous ; et dans leur cour rustique,

                Il fut des rois pasteurs le premier domestique (1).

 

Pendant le jour, ce bon chien semble être l'ennemi des moutons : mais vienne la nuit, il sera leur défenseur, ses cris préviendront le berger des approches du loup, et son courage le portera même à livrer un combat inégal. Si quelque braconnier fait son infâme métier dans les champs voisins ; si un voyageur égaré passe près du parc, le chien aboiera de telle sorte que son maître, couché dans la cabane, connaîtra la présence de certains étrangers ; mais s'il s'agit d'un loup, les cris seront tellement accentués que le berger ne pourra s'y méprendre. Alors il sortira le fusil à la main, tandis que dans les autres cas il restera couché.

 

(1) Delille.

___________

 

[…]

A quelque usage que l'on destine un chien, il faut absolument conserver toujours de la race propre à cet usage. Pour qu'un chien fasse un service quelconque, il ne faut pas seulement qu'il soit de la race apte à ce service, mais encore il faut que son père et son grand-père aient été employés à ce même service. L'expérience a prouvé que chez le chien, les qualités acquises se transmettent de père en fils comme les

qualités physiques. Un chien de berger, fils et petit-fils d'un chien de berger qui a gardé les troupeaux, les gardera presque instinctivement. Si son père et son grand-père ont passé leur vie attachés à la porte d'une basse-cour, son éducation sera cent fois plus difficile. Il en est de même du chien de chasse, du chien de saltimbanque, etc., etc. Les bergers savent bien cela, car ils prennent le plus grand soin de conserver pure la race de leurs chiens. Lorsque leurs chiens meurent, ce sont des gens ruinés, car il faut longtemps pour s'en procurer d'autres. De là le proverbe :

"Il arriverait plutôt malheur à un bon chien de berger."

 

Le chien de berger a la vue perçante, l'ouïe fine, mais il n'a presque pas de nez ; pourquoi ? parce qu'il ne s'en sert point. Chez lui les organes de l'odorat ne sont jamais en mouvement : il court, il écoute, il regarde, voilà tout ; dès lors il ne sent plus, et ses enfants lui ressemblent.

 

Nous ressemblons à nos pères physiquement et moralement ; les mêmes raisons qui sont cause de la longueur de notre nez ou de la petitesse de notre taille, influent sur notre caractère. Chez le chien, l'habitude de certaines manières d'être ou d'agir, modifie l'organisation, et perpétue ainsi des dispositions qui alors deviennent naturelles. Les esprits animaux se portent avec plus de force aux parties qui font le plus d'exercice.

Gravure de frontispice du livre de :

Fréville, Anne-François-Joachim (1750?-18..). - Histoire des chiens célèbres, entremêlée de

notices curieuses sur l'histoire naturelle, pour donner le goût de la lecture à la jeunesse. Tome 1 / Par A.-F.-J. Fréville,... Seconde édition.... 1808.

Source gallica.bnf.fr

Société de vénerie (France). - Bulletin officiel de la Société centrale pour l'amélioration des races de chiens en France. Livraison du 1er septembre 1919. Extrait p. 9-10

Les chiens de Berger des Pyrénées

 

     Il existe dans le Sud-Ouest de la France, c’est-à-dire dans la zone qui s’étend de Bordeaux à l’Océan et à la plaine de Tarbes, en longeant les Pyrénées, de nombreux chiens employés à la garde des troupeaux, qui ont encore le type des races mères dont elles dérivent et qui sont sans contredit nos deux vieilles races françaises de Beauce et de Brie, considérées non dans leur aspect actuel, mais dans celui qu’elles avaient, il y a un demi-siècle et plus.
 

     Il nous a été permis de juger ces chiens de mars à novembre 1915, plus de deux mille d’entre eux, venus de la Gironde, des Landes et surtout des Basses-Pyrénées ayant séjourné aux chenils des 2e et 6e armées, avant d’aller rejoindre les régiments d’infanterie, où ils remplissaient à cette époque les fonctions de chiens sentinelles.
 

     Quel que soit leur type, on les désigne dans le pays sous le nom de Labrits. Inutile de dire que le croisement a fait disparaître chez beaucoup d’entre eux toute homogénéité.
 

     Un classement sérieux fait à l’époque précitée du début de la guerre, permet d’affirmer que les Labrits se divisent en deux grandes familles :
 

     1° Ceux qui gardent l’empreinte du vieux type beauceron et qu’on pourrait désigner : Labrit du type Beauce ;
 

     2° Ceux qui, au contraire, descendent du type briard, en ont conservé la ressemblance bien que modifiés vraisemblablement par le type précédent, et qui forment le Labrit type de Brie.
 

     Le sol aidant à la transformation des individus on peut dire que ces chiens ne se trouvent que dans leur habitat actuel, qu’ils y sont nombreux, et d’un intérêt qui ne peut faire de doute que pour ceux qui ne les ont pas vus à l’œuvre.
 

     Les Labrits employés à la garde des troupeaux sont des travailleurs d’une intelligence vive, d’une rusticité à toute épreuve, d’un attachement absolu à leur maître.
 

     Ces chiens ont largement payé de leur sang le droit de survivre à la guerre, dans laquelle ils se sont montrés des auxiliaires très précieux.
 

     La sélection n’a porté jusqu’alors que sur les qualités déployées dans le travail, sans souci du type ; aucune étude sérieuse, aucun effort n’ont été produits pour faire connaître les chiens des Pyrénées, qu’un club local pourrait faire facilement revivre et prospérer.
 

     Il semble que M. Poëy de Pau, qui a, par l’intermédiaire de la Société Centrale, envoyé au front tant de bergers des Pyrénées, serait dans la circonstance un collaborateur sérieux.
 

     En résumé, les bergers des Pyrénées sont de deux types différents, mais présentant les mêmes qualités de vigueur, d’intelligence et de fidélité.
 

     Ces chiens sont de taille souvent réduite, par suite du manque de soins d’abord, et parce que le sol des Pyrénées ne produit pas en général de grosses races.

 

     Le nom de Labrit que portent indistinctement les chiens et les chiennes, semble avoir pour origine le village de Labrit dans les Landes de Gascogne. Peut-être pourrait-on appeler Labrit des Landes, le chien du type Beauce, qui y semble plus nombreux, et Labrit des Pyrénées, le chien de berger du type Brie. Tout ceci est affaire de convention, c'est au club local à fixer, ces dénominations une fois pour toutes.

 

LABRIT TYPE BEAUCE

     Apparence générale : chien à poil demi-long sur le corps, ayant la plus grande ressemblance avec, notre chien de Beauce, du vieux type aujourd'hui à peu près disparu.   

     Chien rustique, énergique, intelligent.     

     Crâne : plat, cassure très peu apparente.

     Museau : assez long, pointu, lèvres serrées.          

     Nez : noir, bien développé.

     Oreilles : généralement très mal coupées, à tailler en pointes, à poil presque ras.

     Yeux : grands, souvent trop clairs, parfois vairons.              

     Cou : assez long.          

     Corps et dos : de longueur moyenne, bien soutenu.

     Rein : court.

     Membres postérieurs : musclés, aplombs souvent défectueux. Culotte très marquée. 

     Membres antérieurs : bons aplombs. Manchettes.

     Queue : Souvent absente, à conserver. En général, présente un beau panache et est, relevée en crochet à son extrémité.

     Poil : plat, souple, demi-long    

     Couleur : Fauve plus ou moins chaud, gris ardoise avec petites taches noires, rarement noir et feu.

     Taille : chien de 55 à 60 c/m

       -      : chienne de 50 à 58 c/m

     Ce type de chien se trouve assez fréquemment et, serait facile à fixer.           

 

LABRIT TYPE BRIARD

     Apparence générale : chien à poil long sur le corps et aux membres ; différent du Briard par sa plus petite taille et sa face longue et moins couverte de poils. Donne l'aspect d'un chien vigoureux et remarquablement intelligent.

     Crâne, museau, nez, oreilles : comme dans le type précédent.

     Yeux : grands, souvent foncés, rarement vairons, très. expressifs.

     Cou : longueur moyenne.          

     Corps, dos, rein : plutôt courts.

     Membres antérieurs : bons aplombs.

     Membres postérieurs : aplombs souvent défectueux, qui semblent déformés par la marche en  terrain accidenté.

     Queue : souvent absente, les chiots naissent anoures. Serait à conserver longue, tombante avec crochet à l'extrémité.

     Poil : Poil de chèvre.

     Couleur : toutes les teintes du fauve, gris argenté, gris cendré assez rarement noire.

     Taille : chien 55 à 60 c/m.

         -     : chienne 50 à 58 c/m.
 

     Ce type de Labrit est très intéressant et, comme chien de travail a une réelle valeur.
 

     En résumé, nos chiens des Pyrénées sont des animaux très intéressants, qu'une sélection judicieuse pourrait amener très rapidement à un type homogène. Ces chiens ont fait leurs preuves.

     Toutes ces races, livrées aux hasards des reproductions et que ne peuvent absorber les croisements, ont une vitalité qui mérite qu'on les sorte de l'oubli.

Source gallica.bnf.fr

Lasnier, Adolphe. - Nos chiens sur le front / dessins de P. Malher ; texte d'Adolphe Lasnier. 1915.

Dans cet ouvrage sont décrites les différentes affectations des chiens auxiliaires :

Chien ambulancier,

Chien signaleur ou patrouilleur,

Chien ravitailleur,

Chien tracteur,

Chien estafette ou chien de liaison.

Source gallica.bnf.fr

11 décembre 1915, départ de chiens sanitaires [...]Agence Rol

Source gallica.bnf.fr

Photographie du Capitaine Tolet

(Source BDIC)

L'Éleveur : journal hebdomadaire illustré de zoologie appliquée, de chasse, d'acclimatation et de la médecine comparée des animaux utiles. Livraison de 18 mars 1923 : publication du standard de 1923

Chiens de berger

[...]

                    (des Pyrénées à poil long). - STANDARD

 

     Apparence générale. Chien de berger dénotant sous un minimum de taille et de poids un maximum d'influx nerveux. Une physionomie toujours en éveil, un air malin et méfiant, joints à une grande vivacité de mouvements donnent à ce chien une allure caractéristique à nulle autre pareille.
 

     Tête. Le crâne moyennement développé, presque plat avec un sillon central faiblement accusé, s'arrondit harmonieusement sur les côtés et porte une saillie occipitale peu prononcée la partie antérieure se relie en pente douce au museau. La tête dans sa forme générale rappelle celle de l'ours brun.
 

     Museau. Droit, plutôt court, mince sans exagération et affectant un peu la forme d'un coin. Les babines peu épaisses recouvrent parfaitement la mâchoire inférieure et ne présentent aucune commissure apparente. Les muqueuses des lèvres et du palais sont noires ou auréolées. La truffe est noire.
 

     Yeux. Des paupières minces bordées do noir, quelle que soit la couleur de la robe, trichassent des yeux expressifs, bien ouverts, et de couleur châtain doré. Les yeux vairon ou à tache vairon sont admis chez les chiens à robe arlequin ou gris ardoisé dont ils sont presque toujours une caractéristique.
 

     Oreilles. Attachées le plus haut possible et généralement écourtées, quoique celles non écourtées si elles sont bien placées et bien portées ne puissent être considérées comme un défaut. Dans ce tas, elles sont perlées droites sur les 2/3 de leur longueur, le tiers supérieur retombant en avant dans une direction perpendiculaire au enfle. L'oreille droite naturelle n'existe pas sans croisement.
 

     Cou. Plutôt long, assez musclé et bien dégagé des épaules.
 

     Epaule. Assez longue et moyennement oblique, la pointe de l'omoplate dépassant nettement la ligne de doc.
 

     Corps. L'ossature est sèche. Le dos assez long quoi que soutenu, la rein court et légèrement arqué. Il le parait d'autant plus que la toison du chien est souvent plus fournie sur l'arrière-train et la croupe. La croupe est plutôt courte, le flanc peu descendu, les côtes légèrement arrondies. La poitrine moyennement développée, descend au niveau du coude, rarement plus bas.

     Queue. Bien frangée, attachée plutôt bas et formant crochet à son extrémité. Beaucoup de sujets sont écourtés. Certains ont une queue rudimentaire n'ayant jamais été amputée.
 

     Membres antérieurs. Secs, nerveux, avec l'articulation des poignets bien accusée.
 

     Membres postérieurs. La cuisse est gigottée mais peu descendue. Les jarrets sont larges, secs, moyennement coudés et souvent un peu clos, principalement chez les sujets nés et élevés en montagne. Les membres peuvent ou non porter des ergots.
 

     Pied. Sec, maigre, d'un ovale peu accentué. La sole est foncée, les ongles petits mais durs.
 

     Peau. Fine, marbrée de taches foncées et cela quelque soit la couleur de la robe.
 

     Poil. Le poil long ou 1/2 long mais toujours bien fourni est presque plat ou légèrement ondulé, plus fourni et plus laineux sur la croupe et les cuisses, sa texture tenant le milieu entre le poil de chèvre et la laine de brebis.
 

     Robe. Fauve plus ou moins foncé avec ou sana mélange de poils noirs - gris plus ou moins clair arlequin - noir, légèrement marqué de blanc en tête, au poitrail et aux pattes. On rencontre parfois des robes à fond blanc avec grandes taches de couleur rouan vineux. Elles ne sont pas à rechercher.
 

     Taille. De 0 m. 40 à 0 m. 52 pour les mâles ; de 0 m. 35 à 0 m. 50 pour les femelles.
 

ECHELLE DES POINTS

          Ensemble et ossature (apparence générale) ........25

          Crâne et museau............................................................15

          Yeux...................................................................................10

          Oreilles..............................................................................10

          Aplombs............................................................................15

          Fouet..................................................................................10

          Poil et couleur..................................................................15

                                                                                            100

L’Eleveur : médical, scientifique et littéraire... Livraison du 15 août 1923

L'ERGOT DES RACES BERGÈRES

     Dans son numéro du 27 mai dernier (p. 245,1ère colonne), L'Eleveur a publié sous la signature de son directeur un entrefilet sur la question de l'ergot des races bergères qui mérite une réponse.
 

     Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai écrit à ce sujet, dans la note parue ici même (n° 1918, du 12 novembre 1922).
 

     S'il faut en croire mon ami Mégnin, les adversaires de l'ergot deviennent de plus en plus nombreux et, pour réduire à merci ses derniers partisans, il emploie tour à tour, vis-à-vis d'eux, l'appât du gain et la menace : la conservation de l'ergot, dit-il en substance, rend invendables les sujets dépourvus de cet appendice ; nos éleveurs de beaucerons sont donc handicapés vis-à-vis des éleveurs de doberman, qui n'ont pas à craindre ce déchet dans leur élevage et il est donc sérieusement à craindre que cette dernière race de chiens prenne dans un avenir assez proche la place de notre beauceron.
 

     Répondons d'abord à la menace et rassurons immédiatement les amateurs de beaucerons à double ergot sur les dangers, que peut leur faire courir la concurrence du doberman. j'ai eu l'occasion d'utiliser 3 ou 4 de ces chiens et je proclame que je n'ai jamais vu de brutes pareilles ! On reproche déjà à notre beauceron d'être un chien un peu rude, mettons pour n'effrayer personne, qu'il est quelquefois un peu impétueux dans ses démonstrations; mais quelle pâte de chien, grands dieux ! si on le compare au doberman ! Mais, dira-t-on, rien n'empêche d'amender le caractère du doberman et de perfectionner ses facultés intellectuelles. j'en doute, à moins que le doberman cesse d'être le doberman.
 

     Il y aurait de curieuses recherches à faire sur la relation qui existe entre certaines formes animales et leur caractère moral : pourquoi les pigeons à plumes courtes et rigides sont-ils toujours plus farouches que ceux à plumes longues et molles, relation qui peut également s'observer chez les diverses races de poules ? Pourquoi le rat surmulot à pelage noir, les chats noirs, les panthères noires sont-ils plus sauvages et se montrent-ils plus intraitables que leurs congénères d'autres couleurs ? Nous pourrions multiplier les exemples qui ne feraient que prouver que nous sommes encore fort ignorants sur le plus grand nombre de problèmes que nous pose la nature et pour le moment retenons simplement de ces faits que, tel qu'il est et si on veut qu'il reste le chien qu'il est, le doberman (qui au surplus ne possède aucune des qualités des races bergères), ne paraît pas assez bien doué comme douceur de caractère et intelligence, pour détrôner ou simplement même pour concurrencer une quelconque de nos races françaises de chiens de berger.
 

     Cependant, est-il exact, comme certains amateurs de chiens de berger, beauceron et autres, paraissent l'avoir affirmé au directeur de L'Eleveur, que sur une portée de six chiots par exemple, moins de la moitié, 2 ou 3 au plus, soient correctement ergotés, tandis que 3 ou 4 autres naissent sans ergot ou avec un seul ergot, ce qui les éloigne des honneurs du ring et les déprécie pour la vente ?
 

     Nous abordons ici une question qui ne se résout pas au moyen d'ordres du jour ou de vœux présentés et adoptés par un Club ou une Société. La méthode expérimentale seule peut permettre de donner des précisions sur ce point.
 

     Or, nous ne pensons pas qu'une série d'épreuves sérieuses ait encore été entreprise pour étudier au point de vue héréditaire le phénomène de la polydactylie chez le chien.
 

     Mais à défaut, nous savons d'une manière exacte ce qui se passe chez des animaux également caractérisés par la présence d'un doigt supplémentaire, notamment chez les poules pendatactyles qui diffèrent des autres par la présence d'un cinquième doigt, provenant du dédoublement du pouce, par conséquent, par suite d'un défaut de conformation absolument semblable au double ergot du chien. Il résulte d'expériences méthodiques faites sur ces poules. que sur 100 jeunes provenant de parents sélectés ayant 5 doigts, 96 % au moins ont un cinquième doigt et que 3 ou 4 % au maximum n'ont que les 4 doigts de la poule normale. Bien plus, lorsqu'on croise une de ces poules à 5 doigts avec une poule normale à 4 doigts, 80 % des jeunes ont 5 doigts et les 20 autres se présentent le plus souvent avec un doigt supplémentaire plus petit que chez le type ou à une patte seulement et une infime minorité seule ne présente que les 4 doigts de la poule ordinaire.

Il résulte de ces constatations que, chez la poule, le caractère polydactylie, non seulement se transmet à la descendance avec la plus grande fidélité, mais encore que ce caractère anormal (5 doigts) domine le caractère normal (4 doigts), puisque par croisement entre volailles de ces cieux types, c'est le type à 5 doigts qui prédomine clans la descendance.

En 1906, le professeur Castle de l'Université d'Harvard a repris des expériences identiques avec le cobaye. Ayant obtenu fortuitement un de ces animaux qui présentait un 4e doigt supplémentaire, du reste imparfait, à l'une des pattes postérieures seulement, il accoupla ce sujet avec des femelles parentes avec lui, mais ne possédant normalement que trois doigts aux pattes postérieures et avec d'autres femelles semblables à 3 doigts, mais non parentes : avec les premières, il eut, sur 45 produits, 13 jeunes à 4 doigts à chaque patte postérieure, les autres étant normaux, et avec les secondes, 2 petits à 4 doigts sur 32 jeunes. Ces cobayes à 4 doigts (tetradactyles), sélectionnés pendant quelques générations, donnèrent bientôt une race bien stable, chez laquelle de 90 à 1oo % possédait toujours le 4e doigt supplémentaire (1).
 

     Si on peut accorder quelque valeur à ces expériences et à ces chiffres, il faut. en conclure que la polydactylie doit être considérée comme un caractère des plus stables clans les races d'animaux chez lesquelles on l'a étudiée.
 

     En est-il de même chez le chien ? Les chiffres avancés par M. Mégnin dans la note en discussion sont loin de venir corroborer ceux des expériences que nous venons de rapporter.
 

     Cependant, il est un fait qui va nous permettre d'avoir les doutes les plus sérieux sur la sincérité des renseignements qui lui ont été fournis à ce sujet par certains amateurs que je veux bien croire désintéressés.
 

     Si vraiment le double ergot était un caractère si difficile à conserver, il n'est pas discutable qu'on ne devrait le rencontrer que dans les familles de chiens les mieux sélectées (2).

J. Bailly-Maitre.

     (1) Nous ne citons que les cas de polydactylie les mieux étudiés, bien d'autres formes animales pouvant fournir des exemples semblables, l'homme notamment chez lequel la présence de doigts supplémentaires domine dans la descendance le nombre de doigts normaux.
 

     (2) Cet article sera continué dans le prochain numéro.

Source Médiathèque de la Société centrale canine

Oui, la suite dans le numéro d’avril ….

Publicité parue dans L’Eleveur datée de 1919

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